L’Aligot de Baptiste
Il était une fois Batistou le Cantalès du Camejane
Un des derniers vrais buronniers de l’Aubrac
Au milieu du pâturage sentant bon la gentiane
Il trimait du matin au soir pour sortir sa fourme du bivouac
Avec le bédelièr, le pastre et le roul il partageait son aligot
Accompagné de lard bouilli, de tourte et de petit lait
Sauf le dimanche où une maigre tranche de jambon sortait du lot
Bien arrosé d’une bonne tassée de piquette, une fête qui se méritait
Le maître vacher préparait un grand feu de hêtre fagoté
Posait sur son trépied un grand chaudron bien culotté
Plongeait dans l’eau bouillante des pommes de terre de l’année
Qui une fois bien cuites devaient être pelées
Le bédelièr coupait avec son laguiole le lard au rance qui embaumait
Pour le faire fondre dans la poêle noire en fer
Le pastre débitait en tranche fine la tome prête à filer
Le roul tournait la manivelle séparant la crème du petit-lait
Armé de son pilon le bédelièr écrasait les patates
Le précieux contenu du chaudron était remis sur les braises
Muni du bâton d’alisier, le berger touillait la pâte
Qui s’affinait lentement au contact du saindoux et de la crème fraîche
Alors que la purée « pétoléjava », le cantalès
Vidait le grand plat de tomme en criant « ça va être prêt »
Grâce à ses bras de châtrier et après une bonne suée
Sel, poivre et ail, le mélange épais commençait à filer
Chez les invités les acclamations fusaient jusqu’au ciel
Auxquels les buronniers répondaient par leur aüc traditionnel
Rappelant le puissant beuglement des taureaux de l’Aubrac
Il ne restait plus qu’à étirer encore le ruban blanc
Une fois le gosier rafraîchi d’une rincette de bon vin
Béret jeté à terre et manches largement retroussées
Nos buronniers déposaient fièrement le chaudron sur son trépied
C’était la fête dans le mazuc, sous une salve d’applaudissements sans fin
En cet instant solennel Batistou puisait des truellées filantes
Tout en jaugeant l’appétit de celui qui tendait son écuelle béante
Les coups d’œil échangés en disaient long sur la quintessence
Du travail de la terre et des buronniers pleins de bon sens
La chanson Lou Mazuc finie, notre cantalès sortait la fourme de la cave
Au grand bonheur des invités l’accompagnant d’une tranche de fouace
Arrosant le tout d’un café de Paris et de quelques alcools fins
Les femmes avaient le regard pétillant, la fête battait son plein.
Vive tous les buronniers qui font la fourme d’Aubrac
Au milieu de leur troupeau doré
Vive les roules et les bédelières
Et que demeurent debout les mazucs sans crac
Cantalès : vacher Bédelièr : responsable des veaux
Pastre : berger Roul : homme à tout faire
Mazuc : buron Pétoléjava : faisait des bulles
L’ARIÉ….JOIE