La Saint-Matthieu d’antan
C'est une histoire qui a pour lieu
Vicdessos la belle en l'an de Dieu
Mil-neuf cent trente deux
Il est foutu le temps des foires
Le monde est entré
Dans un nouveau millénaire
En ces temps-là à la campagne étaient rarissimes les distractions,
La foire de Vicdessos, le 1er jeudi du mois présentait un attrait particulier,
Mais celle de la St Matthieu du 21 septembre à la vente du bétail consacrée
Amenait au foirail une foule considérable venue de tous les villages du canton.
La veille, un grand branle-bas animait la maisonnée de la ferme hors d’âge,
La maman, préparait le repas froid, jambon et saucisson familial, poulet rôti et fromage,
Ce fameux fromage, moelleux comme du beurre, de moisissures vertes veiné,
Le père choisissait brebis et moutons les plus anciens, ainsi que les agneaux de l’année.
Levés avant l’aurore, en route pour Vicdessos dans leur pèlerine noire encapuchonnés,
Guidant les bêtes, le bâton dans une main et dans l’autre la lanterne à bougie,
Les bêtes récalcitrantes et les agneaux plus lents étaient surveillés par cousins et amis.
À 7 heures, le foirail de Vicdessos retentissait des bêlements de tous ces ovins rassemblés,
Point de barrières mais chaque éleveur avait sa place traditionnelle sur le marché,
Chaque paysan avait ses clients habituels, commerçants de la plaine, du Roussillon et d’ailleurs,
Très tôt commençait la séance de « bonimenteur » amenant une foule de spectateurs.
Face aux maquignons à grande blouse bleue, ils saisissaient par les cornes les plus belles bêtes,
Commençait aussitôt une géniale promotion de la coupe de la bête à sa toison,
Vantant son échine opulente, scrutant la dentition et en conclusion, exprimant leur admiration,
Spectateur impassible après ce dithyrambe, brusquement un prix fusait du maquignon.
Exclamations tonitruantes du vendeur manifestant sa réprobation à l’égard de l’acheteur,
Que de palabres, de ruses déployées, de fausses et vraies colères, de gestes en vain,
Point d’entente, d’un geste rageur la bête repartait au milieu du troupeau avec ardeur,
S’éloignant puis revenant, le dernier prix se concluait par une tape énergique sur la main.
Les affaires conclues, chacun cassait la croûte en surveillant ses bêtes,
Jusqu’à ce que les acheteurs donnent l’ordre de les conduire vers leurs camions,
Les bergers échangeaient pour savoir qui avait obtenu le meilleur prix par tête,
Certains n’ayant pas tout vendu reviendraient pour la St-Michel, le 29 Septembre à Tarascon.
La journée avait été rude, mais fructueuse, il convenait de la terminer en gaîté,
Chez l’aubergiste de Vicdessos de magnifiques tranches de veau rôties et persillées
Faisaient le bonheur de la famille et des amis, vin et limonade à flots coulaient,
Raisins juteux, pêches odorantes et figues violettes, inconnus en montagne, nous régalaient.
Sur le chemin du retour, pour la rentrée scolaire approchant la Maman effectuait ses achats,
Tabliers d’écoliers, sabots de bois vernis, cahiers, crayons et autres accessoires,
Dans les prairies les colchiques mauves rappelaient, la fin des grandes vacances en désespoir,
La grand-mère paternelle, restée à la maison, guettait notre retour avec son chat.
Sur la table de la cuisine, le père comptait le paquet de billets remplissant son portefeuille,
Ils étaient la source de revenus pour toute une année de travail, rude et pleine d’écueils,
Rangés dans la chambre, ils assureraient les dépenses de la famille douze mois durant,
Ainsi se passait la Foire de Saint-Matthieu, dans notre beau pays d’Ariège d’antan.
« Qui va à la heiro sens argent, lebo lé nas et tourno-t-en ! »
Celui qui va à la foire sans argent, lève le nez et retourne-t-en !
Quatrains de Guy l’ARIÉ…..JOIE
inspirés d’un récit de Jean-Jacques Billeau
dans « Il était une « Foix » en Ariège »