Sur les Chemins de l’Aventure
En route vers Compostelle
Ils sont unanimes, ceux qui l’ont fait disent : tu verras ça va changer ta vie de troubadour,
La vie nomade, les grands espaces, direction droit devant vers St Jacques de Compostelle,
Traverser des lieux inconnus, tomber une à une les étapes, arriver à la brune dans un hameau surréel,
Affronter la brume matinale, endurer le cagnard au zénith, marcher comme un métronome chaque jour.
S’attabler à une bonne auberge, un brin hagard, et boire un godet avec un étranger,
Côtoyer moines ou moinillones en quête de rencontres sacrées avec les « forces du bien »,
Sachant qu’en plus de la solitude le marcheur à deux ennemis, son sac à dos trop lourd et ses pieds,
Les chemins jacquais nécessitent des pieds dorlotés au quotidien, sinon point de cap finistérien galicien.
Compostelle le chemin de l’aventure, sous les étoiles exactement où mènent plusieurs itinéraires,
Le chemin du Puy, Via Podiensis, le plus emprunté entre Velay, Aubrac, Aveyron et Pyrénées,
Le « Grand chemin », via Turonensis de Paris à Tours, via Saintes, praticable en vélo, aisé,
Le chemin de Vèzelay, via Lemovicensis vers Bourges, Rocamadour et le Béarn d’Henri le réfractaire.
Tous ces chemins mènent au petit sanctuaire espagnol où repose St Jacques à la vie combative,
La via Tolosana traverse la Camargue via Toulouse, franchit la vallée d’Aspe et au col du Somport on se hisse,
A partir de Puente la Reina, le « Camino Francès » traverse l’Espagne où le marcheur se motive,
Des plaines fertiles de la Navarre au désert de la Meseta aux accents celtique de la Galice.
« Ultreia », en route, et les marcheurs partent en empruntant les sentiers balisés en rouge et blanc,
Partis de la cité mariale du Puy en Velay les pèlerins traversent le Gévaudan,
Puis les « vagabonds de dieu » passeront « l’alto braco », le lieu élevé de l’Aubrac,
Où vers le 11è s., tapis au creux des forêts, les brigands détroussaient les jacquets en vrac.
Pour les pèlerins venus du nord de l’Europe le rassemblement se faisait à Paris, à la tour St Jacques,
Destination Tours où ils affluaient par millier pour honorer les reliques de ST Martin,
Sur la route du Poitou le haut lieu spirituel de Melle représentait une halte importante à Pâques,
Avant d’atteindre la capitale de la Saintonge, Saintes où ils vénéraient Eutrope, le Saint.
Un des douze apôtres, Jacques le Majeur au caractère passionné partit évangéliser l’Espagne à la mort de Jésus,
Il échouera dans sa mission mais en rentrant à Jérusalem il obtient de nombreuses conversions,
Hérode Aggripa 1er, roi de Judée, contrarié par son succès le condamna en l’an 44 à la décapitation,
Son corps placé dans une barque par ses disciples, s’échoua sept jours après en Galice, inattendu !
Point de départ de l’itinéraire traversant le Massif Central, Vèzelay émerge de la « colline éternelle »,
Vers Bourges, le pèlerin s’attribuera la devise de Jacques Cœur, « A cœur vaillant, rien d’impossible »,
Sur les chemins du Limousin il honorera St Martial et St Léonard lors des ostensions passionnelles,
Il passera par Rocamadour le nid d’aigle pour vénérer la vierge noire et St Amadour, le Zachée de l’Évangile.
Il emportera dans sa besace, le petit palet plat au lait de chèvre, le « cabécou » de forme ronde,
Pour franchir plus loin la Dordogne à la bastide de Ste Foy la Grande aux portes de la Gironde,
Puis continuer par le plat pays des Landes, quasi désertique au 12è s. et marécageux,
Avant de découvrir à l’horizon, les Pyrénées béarnaises, vers Orthez le pays de Fébus le bienheureux.
Une autre voie en provenance des bords du Rhône menait le pèlerin de la « petite Rome des Gaulles »,
Au pays de cocagne par la Via Tolosana, depuis l’immensité plane de la Camargue d’Éole,
Jusqu’aux portes de Toulouse à l’ombre des platanes du canal du Midi de Paul Riquet le Baron,
Dans cette région qui porta l’épopée cathare où les armées de « parfaits » défièrent l’Inquisition.
Le « peregrino » traverse la chaine de Pyrène à Roncevaux par sa foi les montagnes soulevant,
La Durandal en fer, rappelle la bataille où les Maures le 15/8/778 ôtèrent la vie à Roland,
A Puente la Reina tous les chemins ont convergé et le « Camino Françès » sillonne l’Espagne,
D’interminables plaines arides conduisent de Burgos à Léon à travers le Parano, le désert sans montagnes.
L’entrée en Galice s’effectue par l’ascension du Cebreiro, et ses « palloza » en nid d’aigle,
Ces chaumières préromaines de forme circulaire, bâties en pierres et coiffées d’un toit conique en seigle,
Plus loin dans la Lavacolla après des semaines de marches, il faut se laver avant de passer le Mt de la Joie,
Face à St Jacques de Compostelle et les deux flèches jumelles de la cathédrale, les pèlerins pleuraient de joie.
Par la « Puerta del Camino » on chemine vers la « Plaza des Olradoiro », accueillis par St Jacques,
Sur son promontoire au centre des 2 tours romane du 11è s., il accueille les touristes à la niaque,
Après avoir posé son front sur le « Saint aux Bosses », c’est « l’abrazo » à l’apôtre en robe de bure,
Le baiser à la statue de St Jacques tenant le bourdon et la gourde d’or sur l’autel aux dorures.
Pour être complet, le pèlerinage doit s’effectuer jusqu’au « Cabo Fistera » terre extrême d‘occident,
Cet autre « Finis Terrae », dominé par son phare offre un paysage grandiose entre houle et vent,
Sur le rio Ulla de Padron aux mille coquilles, la barque du corps de St Jacques l’arrivée rappelle,
C’est la fin du voyage, on y brûle une partie des vêtements sous le regard de l’étoile de Compostelle.
La coquille de Padron fut cousue à leur retour dès le 9è s. sur leur chapeau à larges bords plat,
Le bourdon béni avant le départ servait de 3° pied mais pour se défendre contre le loup d’abord,
La besace contient la nourriture du marcheur vêtu de sa longue pèlerine, coiffé d’un feutre à large bord,
Muni de sa « crédential » où il fait apposer les tampons des étapes, le jacquet revient diplômé de sa « compostela ».
Et quand « l’Arroumiou », le pèlerin en gascon, revient, il aura franchi sa frontière intérieure loin de sa famille,
Il aura passé l’obstacle des Pyrénées mais il aura vécu aussi le dépassement de soi, sans révolution,
Marchant seul dans des paysages à couper le souffle, tutoyant les anges, sa marche fut sa révélation,
Jeune ou vieux, Français ou étranger, chrétien ou athée il aura vécu la mondialisation de la marche avec sa coquille.
Guy le Pèlerin ARIÉ….JOIE