Page 29 - Ebook l'Auvergne Oeuvre de Guy Pujol
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Il était une fois Batistou le Cantalès du Camejane,                   Alors que la purée « pétoléjava », le cantalès,
    Un des derniers vrais buronniers de l’Aubrac,                         Vidait le grand plat de tomme en criant « ça va être prêt »,
    Au milieu du pâturage sentant bon la gentiane,                        Grâce à ses bras de châtrier et après une bonne suée,
    Il trimait du matin au soir pour sortir sa fourme du bivouac.         Sel, poivre et ail, le mélange épais commençait à filer.

    Avec le bédelièr, le pastre et le roul il partageait son aligot,      Chez les invités les acclamations fusaient jusqu’au ciel,
    Accompagné de lard bouilli, de tourte et de petit lait,               Auxquels les buronniers répondaient par leur aüc traditionnel,
    Sauf le dimanche où une maigre tranche de jambon sortait du           Rappelant le puissant beuglement des taureaux de l’Aubrac,
    lot,                                                                  Il ne restait plus qu’à étirer encore le ruban blanc.
    Bien arrosé d’une bonne tassée de piquette, une fête qui se
    méritait.                                                             Une fois le gosier rafraîchi d’une rincette de bon vin,
                                                                          Béret jeté à terre et manches largement retroussées,
    Le maître vacher préparait un grand feu de hêtre fagoté,              Nos buronniers déposaient fièrement le chaudron sur son trépied,
    Posait sur son trépied un grand chaudron bien culotté,                C’était la fête dans le mazuc, sous une salve d’applaudissements
    Plongeait dans l’eau bouillante des pommes de terre de                sans fin.
    l’année,
    Qui une fois bien cuites devaient être pelées.                        En cet instant solennel Batistou puisait des truellées filantes,
                                                                          Tout en jaugeant l’appétit de celui qui tendait son écuelle béante,
    Le bédelièr coupait avec son laguiole le lard au rance qui            Les coups d’œil échangés en disaient long sur la quintessence,
    embaumait,                                                            Du travail de la terre et des buronniers pleins de bon sens.
    Pour le faire fondre dans la poêle noire en fer,
    Le pastre débitait en tranche fine la tome prête à filer,             La chanson  Lou Mazuc finie, notre cantalès sortait la fourme de
    Le roul tournait la manivelle séparant la crème du petit-lait.        la cave,
                                                                          Au grand bonheur des invités l’accompagnant d’une tranche de
    Armé de son pilon le bédelièr écrasait les patates,                   fouace,
    Le précieux contenu du chaudron était remis sur les braises,          Arrosant le tout d’un café de Paris et de quelques alcools fins,
    Muni du bâton d’alisier, le berger touillait la pâte,                 Les femmes avaient le regard pétillant, la fête battait son plein.
    Qui s’affinait lentement au contact du saindoux et de la
    crème fraîche.

                                      Vive tous les buronniers qui font la fourme d’Aubrac,
                                                Au milieu de leur troupeau doré,
                                                 Vive les roules et les bédelièrs,
                                         Et que demeurent debout les mazucs sans crac.

       Cantalès : vacher      Bédelièr : responsable des veaux      Pastre : berger
                       Roul : homme à tout faire       Mazuc : buron
                               Pétoléjava : faisait des bulles
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